Intervention d'Anaïs Iglesias, Doctorante au LIPHA, lors de la demi journée des jeunes chercheurs SFDI de Toulouse, le 22 juin 2020

Publié le 2 juillet 2020
Anais Iglesias
Anais Iglesias
Date(s)

le 22 juin 2020



"L'exploitation des ressources de l'espace extra-atmosphérique à des fins commerciales : une activité couverte par le droit international des investissements ?"
 
L’extraction de ressources dans l’espace extra-atmosphérique est en passe de devenir une réalité. Alors que les activités spatiales ont été pendant longtemps du ressort des États, on voit aujourd’hui les initiatives privées se multiplier. Des sociétés telles que Deep Space Industries ou Ispace se spécialisent ainsi dans l’activité d’exploitation de ressources extra- atmosphériques. Celle-ci se déroule en trois temps : l’exploration (afin de déceler la présence de matières minérales et volatiles), puis l’extraction des ressources présentes dans les corps célestes et enfin leur exploitation (incluant la commercialisation), que ce soit directement dans l’espace ou en les ramenant sur Terre.
La structure de ces activités ne semble pas, par nature, empêcher l’application du régime juridique international protégeant les investissements. En effet, le principe de non-appropriation des ressources extra-atmosphériques ne fait pas échec à la reconnaissance d’un droit de propriété sur les ressources extraites dans l’espace, garantissant alors la sécurité juridique des investissements. L’exploitation de ces ressources peut être considérée comme une utilisation de l’espace, autorisée par les traités dans la mesure où les espaces restent librement accessibles à tous. Par ailleurs, le principe de non-appropriation vise les ressources in situ, ce qui induirait que les ressources extraites pourraient être appropriées par un opérateur privé. L’activité d’extraction de ressources spatiales se déployant aujourd’hui sur la base d’une licence accordée par un État – qui autorise une société à exploiter ces ressources – c’est l’État seul qui assure la régulation de la concurrence entre opérateurs privés. Les investissements étrangers sont donc protégés en ce qu’ils peuvent être couverts par les traités d’investissements.
Cependant, la nature de res communis de l’espace extra atmosphérique prive les investissements ayant pour finalité d’exploiter des ressources qui s’y trouvent, d’une protection juridique pleine et entière, malgré ces règlementations nationales. En effet, l’État autorisant l’activité ne détient aucune exclusivité territoriale lui permettant de règlementer à lui seul l’accès de personnes privées aux ressources spatiales. De plus, il doit veiller à ce que soit respecté le principe de patrimoine commun de l’Humanité de l’espace et de ses ressources. Ainsi, l’activité d’extraction de ressources extra-atmosphériques par une société privée ne doit pas amener à restreindre l’accès à celles ci par d’autres opérateurs. Or, si seulement une poignée d’États règlementent l’activité d’extraction, on peut penser que cela conduira à engendrer des monopoles de fait au profit de quelques sociétés. En l’état actuel des législations nationales, fondées sur la doctrine du « premier arrivé, premier servi », l’application du droit international des investissements à l’exploitation de ressources spatiales vient buter sur un certain nombre d’hypothèses limites.
Cela appelle donc à universaliser le régime juridique de protection des investissements dans l’espace extra atmosphérique afin qu’il ne repose pas sur une mosaïque de législations nationales conduisant à un far-west, mais sur un régime international unique regroupant l’ensemble des États, dans le respect des principes du droit international de l’espace. Plusieurs propositions peuvent être considérées à cet égard. Il pourrait s’agir de la création d’une Autorité internationale de l’espace, de la mise en place d’un système de crédit ou encore, comme proposé par le Groupe de travail de la Haye sur la gouvernance des ressources spatiales, de l’attribution d’un droit de priorité sur les ressources extra-atmosphériques in situ. Indépendamment de la manière dont serait façonné ce futur régime de l’exploitation des ressources spatiales, les diverses propositions s’accordent sur une logique similaire : la délimitation spatiale (ou quantitative) et temporelle en amont, permettant d’établir le droit de propriété sur les ressources extraites. D’une part, cela permettrait d’assurer la prévisibilité et la sécurité juridique des investissements réalisés dans le cadre d’activités d’exploitation de ressources extra- atmosphériques. D’autre part, cela garantirait le respect des principes articulant le droit de l’espace que sont la non-appropriation, la libre utilisation et le patrimoine commun de l’Humanité.
Si l’Accord sur la Lune enjoint les États à élaborer le régime international de l’exploitation des ressources spatiales dans un cadre multilatéral, tant le programme Artemis que le récent décret “ Encouraging International Support for the Recovery and Use of Space Resources ” des États- Unis illustrent les obstacles rencontrés par la communauté internationale.

Lien internet pour (re)voir les vidéos des interventions et des débats de la demi-journée :
https://www.canal-u.tv/producteurs/sfdi/demi_journee_d_etude_des_jeunes_chercheurs_de_la_sfdi_2020_a_l_universite_toulouse_i_capitole_l_espace_extra_atmospherique_les_enjeux_pour_l_investissement