L'école en miettes. Réflexions politiques et anthropologiques et perspectives critiques

DEL REY, Angélique

Publié le 3 septembre 2020 Mis à jour le 4 septembre 2020
Directrice de thèse : Corine Pelluchon

Présentation de la recherche :
Ma recherche est une réflexion sur la soumission des contenus de l'enseignement et de la recherche, à l'école et à l'université à la logique de l'économie néolibérale. La question que je me pose en particulier est celle de savoir de quel point de vue l'on critique cette soumission. Si c'est du point de vue des principes d'une émancipation humaine, alors le problème est de savoir ce que l'on entend par homme : est-ce le citoyen des démocraties contemporaines, humain abstrait des déterminations particulières liées à ses appartenances sociales et censé être libre de ce point de vue ? Est-ce l'homme coupé de son environnement, qui continue à penser que la « nature » est à sa disposition, et à voir une frontière sacrée entre ce que l'on a le droit de faire à un animal et ce que l'on a le droit de faire à un humain ? Mon hypothèse est que cet « homme »-là n'est pas une figure de résistance au devenir entreprise et/ou marchandise de tout l'existant. Il est au contraire lui-même la racine du problème. Mais comment penser l'homme autrement ? Comment contribuer à penser une éducation qui réinscrirait l'homme dans son territoire – aussi bien social que naturel ? Comment repenser les principes et les catégories d'une école qui ne soit plus humaniste tout en n'étant pas non plus au service du marché ?
Une première série de questions est d'ordre politique. Face à la mise en miettes de l'école par sa soumission à la logique du marché (soumission des professionnels aux pressions sociales et aux pouvoirs locaux, développement d'inégalités territoriales, fin annoncée de l'objectif de démocratisation scolaire, règne de la concurrence entre élèves, enseignants, établissements scolaires, Etats, etc.), les principes républicains apparaissent comme sacrés, en tant qu'ils affirment le droit universel à une identique transmission de connaissances et de culture. Par ailleurs, il est évident que l'école de la République est parvenue à créer du commun, même s'il l'on est s'accorde avec Marx pour dire qu'il s'agissait d'un commun abstrait. Or, à l'heure où l'Etat est mis au service de la dérégulation des systèmes scolaires (comme des autres systèmes : santé, social, etc.), à l'heure où il devient l'instrument de sa propre désocialisation, la question se pose de savoir où trouver une résistance politique à ce processus. Peut-on définir les principes d'une re-territorialisation de l'éducation qui ne se confonde pas avec sa territorialisation néolibérale ? Par ailleurs, comment penser le commun entre relativisme, universel abstrait, et individualisme ? Pour explorer ces questions, nous travaillerons le champ de l'écologie politique (Gorz, Illich...), ainsi que celui de la nouvelle pensée libertaire (Benasayag...) confrontée à la pensée libertarienne (Hayek, Nozick...).
Une seconde série de questions est d'ordre anthropologique. Le rejet de la transmission par la nouvelle idéologie dominante de l'éducation et de la formation (il faudra d'ailleurs analyser la tendance à substituer dans les textes de lois le mot « formation » au mot « éducation ») interroge sur le sens profond à donner à l'acte d'éduquer : en quoi peut-on dire qu'éduquer, c'est transmettre ? Qu'est-ce que transmettre, et à quelles conditions transmettre aujourd'hui ? En quoi l'exploration de nos rapports avec le vivant et l'animal peuvent-ils nous aider à repenser la transmission éducative ? Pour explorer ces questions et y apporter une réponse, je ne pourrai pas faire l'impasse sur une histoire comparée de l'éducation, dans l'hypothèse que la perte de capacité de transmission de l'école – jusqu'à la négation de sa fonction de transmission, serait liée à un mouvement de déterritorialisation et d'abstraction des contenus éducatifs par rapport à l'environnement réel dans lequel se met en oeuvre l'éducation.